La loutre repeuple doucement les Pyrénées
MARINE LAMOUREUX, à Cauterets (Hautes-Pyrénées), le 23/07/2012 à 11h43
Nous n'avions pas de compte rendu de la conférence qui s'est déroulée a Etsaut, au parc National des Pyrénées.
Nous avons trouvé ce compte rendu, fait par Mme Lamoureux sur une conférence du Parc National, sur le même sujet. Nous nous permettons de le reprendre ici.
Quasiment disparu il y a trente ans, ce mustélidé, aussi à l’aise sur terre que dans l’eau, s’est de nouveau installé dans les Pyrénées grâce aux mesures de protection.
« Ah, ah, regardez, on a de la chance ! » Philippe Llanes, garde moniteur du Parc national des Pyrénées, laisse échapper un grand rire. Ce spécialiste de la loutre, qui assure le suivi de l’espèce sur les hauteurs de Cauterets (Hautes-Pyrénées) n’a pourtant pas vu, cette fois, l’ombre du petit animal.
Accroupi sous un pont de pierres, entre les montagnes verdoyantes garnies de pins sylvestres, il a seulement trouvé une épreinte, autrement dit des restes d’excréments laissés par une loutre il y a quelques jours. Cela suffit à le rendre guilleret, car c’est le signe que le mustélidé est non seulement présent, mais installé. En effet, par les épreintes qu’elle dépose sous les ponts ou aux confluences des rivières, la loutre, espèce solitaire et semi-aquatique, marque son territoire et envoie des messages à ses congénères.
Il y a une trentaine d’années, la loutre d’Europe (Lutra lutra) avait disparu des Pyrénées. On pouvait seulement en trouver par endroits sur la façade atlantique, notamment dans le marais poitevin (lire La Croix du 4 juillet 2012) et le Massif central. Très prisée pour sa fourrure – selon Philippe Llanes, au début du XXe siècle, une peau de loutre valait l’équivalent d’un mois de salaire d’un ouvrier agricole – elle était régulièrement piégée.
Sans guère de scrupules d’ailleurs, tant on considérait alors la loutre comme un prédateur goulu, vidant les rivières de ses précieuses ressources piscicoles. Le capital sympathie de l’animal aux doigts palmés, à la robe soyeuse et à la bouille attendrissante, n’est venu que plus tard, plutôt chez les citadins.
Ce sont les textes de 1972 (sur l’interdiction de la chasse), puis de 1976 (sur la protection de la nature) qui vont tout changer, en imposant la protection de la loutre pour éviter son extinction en France. Avec succès, concernant cette espèce. Sa quiétude retrouvée, la loutre est revenue naturellement peupler les abords des rivières, notamment dans les vallées pyrénéennes, où elle trouve une eau de bonne qualité et riche en truites. La pêche étant interdite dans la grotte de Lourdes, Philippe Llanes assure avoir plusieurs fois détecté la présence du mustélidé, trop heureux de se régaler de poissons bien dodus.
À l’en croire, on trouve désormais des traces de loutre dans des endroits inattendus, comme en haute montagne par exemple, près des lacs et des torrents. « On a découvert des épreintes à 2 300, 2 400 m d’altitude,assure le garde du Parc. On ne sait pas si elle y est installée mais ce qui est sûr, c’est que la loutre est désormais présente dans les six vallées des Pyrénées », se réjouit-il.
Philippe Llanes reste pourtant vigilant. « Il faut de nombreuses années pour être certain que la colonisation d’un lieu est pérenne », explique-t-il. Avec ses collègues du Parc national, il multiplie donc les efforts dans deux directions, afin que la loi de 1972 continue de porter ses fruits.
La première concerne l’aménagement du territoire, car trop de loutres meurent sur les routes. « On a remarqué qu’une loutre ne traverse pas la rivière quand il y a un pont : elle choisit de passer sur le pont, alors qu’elle nage divinement bien mais c’est sûrement une question de territoire, là encore. » Il n’est donc pas rare de retrouver des cadavres de l’animal à ces endroits, fauchés par des voitures.
L’une des solutions est d’aménager des passages artificiels sous les ponts, ce qui commence à être fait dans le département. Philippe Llanes tente aussi de convaincre les élus de laisser les berges à l’état naturel, avec des herbes folles sur quelques mètres. « C’est très important pour que les loutres puissent se cacher, se déplacer à couvert et se reproduire en toute tranquillité », poursuit le spécialiste.
La seconde direction, c’est la sensibilisation. Il arrive en effet que des pisciculteurs, voire des pêcheurs, tuent des loutres pour qu’elles ne mangent pas leurs poissons. « Il faut protéger les abords des piscicultures ; pour le reste, on explique aux pêcheurs que la loutre n’est pas leur concurrente mais leur ambassadrice ! Là où il y a des loutres, c’est que la rivière est riche », insiste Philippe Llanes, tout en reconnaissant que le message n’est pas toujours aisé à faire passer.
Quinze ans après les premiers signes de réapparition de l’espèce dans les Pyrénées, le garde moniteur se refuse à spéculer sur le nombre de loutres. À l’échelle nationale, le ministère de l’écologie estime qu’il oscille entre 1 000 et 2 000 (50 000 il y a un siècle). Ce qui ne rend pas facile sa rencontre. Discrète, se déplaçant souvent la nuit, la loutre est particulièrement difficile à observer, « ce qui est dommage car c’est un animal très joueur, qui, l’hiver, fait du toboggan dans la neige », dit Philippe Llanes, en ajoutant : « Quand on en voit une, on boit le champagne ! »
La conférence s'est déroulée au Parc National de Pyrénées à ETSAUT
seulement des photos de la conférence