Jean LACLEDE Par Michel BARTOLI

 Nous aurons ici une conférence qui nous permettra de faire connaissance avec un Aspois, au-delà de connaître son nom, célèbre par ailleurs

 

Voici la présentation de la conférence que nous transmise M. BARTOLI. Ce sont ces points qu'il développera devant nous:  

 

 

Jean de Laclède (1728-1813), un Aspois maître particulier des Eaux et Forêts

 

Jean de Laclède nait à Bedous le 26 janvier 1728. Après ses études de droit à Toulouse, il devient avocat au parlement de Navarre et, en 1763, il achète la charge de second (et dernier !) maître particulier des Eaux et Forêts à Pau pour le Béarn, la Navarre, et la Soule.

 

Il était plein d’idées dans le domaine agronomique, s’étant intéressé au ver à soie, à la culture du peuplier, du lin, de la betterave et, bien sûr, aux plantations de chênes en particulier dans les landes du Pont Long où étaient deux forêts royales, Lousse et Larron. Nous découvrirons son activité de forestier au travers des plans de gestion de forêts de communauté ou des considérables travaux pour reconstituer la forêt du Larron (devenue la forêt de Bastard par décision royale en 1768). Fort - trop - habilement, il se fait inféoder la forêt (presque sans arbres) de Lousse pour la mettre en valeur par l’agriculture. Tout son travail sera détruit à la Révolution, période qu’il traverse très difficilement.

 

Ses nombreux mémoires donnent une idée sur l’état des forêts béarnaises et montrent le besoin de règles de gestion durable que la Marine met alors à mal. Ils font aussi ressortir quel était le caractère de Laclède entre modernité et rigidité. Il décède à Bedous en novembre 1813, âgé de 86 ans.

 

C’est au travers de nombreuses archives, inédites jusqu’à il y a peu, que nous suivrons la vie de Laclède et le quasi siècle qu’elle a traversé.

 

Voici deux textes trouvés sur le thème de notre conférence, le 1er tiré du site du GEVPF, l'autre relatant une visite de forêt guidée par M. Bartoli

 

 

 

 1 °   Le GEVFP, Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes

 

Le Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes (GEVFP) est un groupe informel et pluridisciplinaire composé d’une quinzaine de professionnels de la gestion forestière et des sciences écologiques. Depuis 2008, il réalise un inventaire, une évaluation, une typologie et une cartographie des vieilles forêts pyrénéennes. Jean-Marie Savoie, membre du GEVFP, enseignant-chercheur à l’Ecole d’Ingénieurs de Purpan et responsable du projet « Vieilles Forêts des Pyrénées », a accepté de répondre à notre interview. 

 

 

 

1. Tout d’abord, pourriez-vous nous expliquer qui compose le groupe, et de quelle manière il fonctionne ?
 

 

Le Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes est un groupe de réflexion qui réunit des scientifiques, des experts, des naturalistes, des forestiers, appartenant à diverses structures d’enseignement, de recherche, d’étude des milieux naturels et des espèces, de gestion et de bureaux d’études, ainsi que des retraités de ces organismes.

 

Ces personnes partagent le même centre d’intérêt, les vieilles forêts et les organismes qu’elles hébergent, au titre de leur spécialité : foresterie, histoire forestière, botanique et écologie forestière, mousses, lichens, champignons, insectes (coléoptères, syrphes), oiseaux, chauves-souris.

 

Ils organisent depuis plus de 15 ans des actions de sensibilisation et des tournées en forêt sur des « hot spots » de biodiversité aussi bien dans les Pyrénées que dans divers pays d’Europe (Roumanie, Finlande, Allemagne).

 

Ils mènent aussi des programmes de recherche dans leurs domaines d’expertise et publient les résultats de leurs travaux dans des revues de vulgarisation forestière, des revues naturalistes, des revues scientifiques et sous forme de thèses, de rapports d’expertise, etc.
 
 

 

2. Où sont ces vieilles forêts que vous étudiez ?
 

 

L’étude mise en œuvre par le Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes en 2008 (la phase 1) s’inscrit dans un projet financé par l’Europe (fonds FEDER), l’Etat français et la Région Midi-Pyrénées. Dans ce cadre, il concerne donc uniquement les Pyrénées de Midi-Pyrénées, donc le territoire des Hautes-Pyrénées, de la Haute-Garonne et de l’Ariège compris entre la frontière franco-espagnole et une ligne passant par Tarbes, Lannemezan, Saint-Gaudens, Aurignac, Pamiers et Lavelanet. C’est un territoire fortement boisé puisqu’il compte environ 340 000 ha de forêts.
 
 

 

3. Ce sont des hêtraies-sapinières principalement, des forêts exploitées, non exploitées ?
 

 

Les forêts que nous cherchons à inventorier possèdent obligatoirement 3 caractéristiques principales.

 

Ce sont d’abord des forêts anciennes, c’est-à-dire que leur état boisé est continu depuis au moins le milieu du XIX° siècle, qui correspond au minimum forestier en France. Même si elles ont pu être exploitées, elles apparaissent donc clairement sur la carte de l’Etat-major des années 1850.

 

Ce sont ensuite des forêts constituées majoritairement par des espèces d’arbres qui s’installent en terrain boisé après plusieurs centaines d’années de non exploitation. Ces espèces de fin de succession sont appelées dryades : le hêtre et le chêne sessile à moins de 600 m d’altitude, puis le hêtre entre 600 et 1000 m, le hêtre et le sapin de 1000 à 1800, le sapin seul entre 1800 et 2100 et enfin le pin à crochets au-delà de 2100 m et jusque vers 2400-2500 m d’altitude.

 

Ces vieilles forêts, enfin, sont constituées de peuplements ayant atteint les stades terminaux d’une dynamique appelée cycle sylvigénétique qui présente 5 phases : initiale, optimale, terminale, de déclin (ou d’écroulement), de régénération. Les vieilles forêts se rattachent obligatoirement à l’une des 3 dernières phases.

 

Cette accession aux stades terminaux est à associer à un abandon ancien de l’exploitation (en général près de 1 siècle), constaté soit dans les documents de gestion soit sur le terrain, d’après l’état des souches, ou à une exploitation nulle ou très marginale.
  

 

 

 

4. Ce sont des forêts avec des arbres très âgés ?
 

 

Il y existe une proportion notable de très gros bois vivants (les TGB : diamètre à 1,30 m de hauteur supérieur à 70 cm), avec parfois des très très gros bois vivants (les TTGB : diamètre supérieur à 100 cm). Pour les espèces d’arbres présentes dans les Pyrénées, ces diamètres correspondent à des âges très avancés, proches de leur longévité naturelle en forêt : de l’ordre de 300 à 400 ans pour la plupart d’entre elles.

 

Ces arbres sont non seulement sénescents, mais en plus ils ont très souvent subi des accidents naturels (chute de bloc, coup de vent, forte gelée, sécheresse, foudre). Ils sont donc fréquemment porteurs d’une certaine quantité et d’une certaine diversité de dendro micro habitats, qui sont des « défauts » tels que cavités, fentes, grosses branches mortes dans le houppier, coulées de sève, etc. Ces micro habitats sont des supports potentiels pour de très nombreux organismes, insectes, chauves-souris, pics, … (1).
 
 

 

5. Y a-t-il dans ces forêts beaucoup de bois mort et quel est l’intérêt de leur présence?
 

 

En raison de leur âge, ces peuplements présentent une certaine quantité de gros bois (diamètre supérieur à 40 cm) mort (au sol et sur pied), à divers stades de décomposition, depuis le bois quasi intact jusqu’à celui ramené à l’état d’humus. Ces diverses formes de bois mort (en taille, localisation et état de décomposition) constituent également des supports potentiels pour un grand nombre d’espèces qui en assurent la décomposition, en particulier mousses, champignons et insectes, tous qualifiés de saproxyliques (2).
 
 

 

6. Comment peut-on reconnaître ces vieilles forêts ?
 

 

Reconnaître ces vieilles forêts n’est pas toujours facile. L’examen des cartes anciennes n’est pas toujours nécessaire et peut être remplacé par l’observation des espèces d’arbres présentes : les dryades naturelles sont-elles dominantes ou bien remplacées par des espèces de substitution en raison des usages passés ? Comment reconnaître l’accession aux stades terminaux du cycle sylvigénétique ?

 

La présence d’au moins 10 très gros arbres vivants à l’hectare cadastral, d’au moins 10 gros bois morts (sur pied et/ou au sol) et l’absence de souches jeunes (moins de 30 ans, donc très peu décomposées) sont des indicateurs relativement fiables. En règle générale, les micro habitats (en nombre et en diversité) et les différents stades de décomposition du bois mort sont alors au rendez-vous.
  

 

 

7. A quelle altitude se situent-elles ?
 

 

En raison de la bonne accessibilité aux massifs de basse altitude, il n’existe quasiment pas de vieilles forêts à moins de 1200 m d’altitude : seuls 1 ou 2 sites potentiels sont recensés à moins de 1000 m et une douzaine de sites s’étendent jusqu’à des altitudes comprises entre 1000 et 1200 m. De même, en haute altitude, les défrichements très anciens pour l’extension des pâturages ont fortement limité la présence de vieilles forêts : une dizaine de sites seulement s’étend au-delà de 2100 m.

 

Pour ces différentes raisons, les vieilles forêts des Pyrénées sont donc principalement des sapinières (avec souvent un peu de hêtre) et des sapinières-hêtraies.
 
 

 

8. Quelle surface représentent-elles en Midi Pyrénées ?
 

 

Au printemps 2014, la base de données comporte 150 sites de vieille forêt dont 80 déjà évalués. La surface potentielle est d’environ 7300 ha, soit presque 2,5% de la surface forestière du territoire étudié.

 

La surface des sites est très variable, d’une dizaine d’hectares (sites résiduels au sein de la matrice cultivée) à plusieurs centaines d’hectares (sites généralement en draperie sur les versants d’altitude moyenne des extrémités de vallée). Les 80 sites décrits couvrent environ 4000 ha. La plupart (35 environ, dont 25 totalement ou partiellement jamais exploités) sont à des niveaux de naturalité (3) tout à fait exceptionnels. Sur 1 ha de vieille forêt, on a dénombré jusqu’à 67 très gros bois vivants dont 22 très très gros bois, sur un autre, 66 gros bois morts sur pied et sur un autre encore, 101 gros bois morts au sol. Le plus gros sapin vivant mesuré fait plus de 2 m de diamètre.
 
 

 

9. Existe-t-il beaucoup de vieilles forêts dans les Pyrénées et en France?
 

 

Dans les Pyrénées de Midi-Pyrénées, ce sont les Hautes-Pyrénées qui sont les mieux pourvues (environ 3200 ha), puis vient la Haute-Garonne (2700 ha) et l’Ariège (1400 ha). D’après nos connaissances (plusieurs parmi nous ont réalisé des travaux dans les 2 autres départements de la chaîne), la surface de vieilles forêts serait très réduite dans l’Aude (quelques centaines d’hectares au plus) et les Pyrénées Orientales (500 ha au maximum) et assez importante dans les Pyrénées Atlantiques (près de 1000 ha en vallées d’Aspe et Ossau).

 

Ailleurs en France, il en existe encore dans les Alpes et en Corse, très ponctuellement ailleurs, mais aucune évaluation globale n’a à ce jour été réalisée. Plusieurs études sont en cours pour venir combler cette lacune.
 
 

 

10. Existe-t-il des statuts protégeant les vieilles forêts ?

 

Le seul statut qui garantit aujourd’hui la protection totale des vieilles forêts est celui de Réserve Biologique Intégrale (RBI). Les autres statuts de protection réglementaire (Parc National, Réserve Naturelle, Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope, …) n’assurent pas automatiquement leur préservation. Le plan de gestion de ces espaces peut cependant permettre le maintien en libre évolution de la totalité ou d’une partie des vieilles forêts qu’elles contiennent, mais cela doit faire l’objet de clauses expresses ajoutées réglementairement.

 

Dans les Pyrénées, il n’existe actuellement aucune RBI forestière (celle du Laurenti comporte surtout des espaces de haute montagne) et les RN fortement forestières ne contiennent tout au plus que quelques centaines d’hectares de vieille forêt.

 

Un autre statut, celui de Réserve Biologique Dirigée (RBD), garantit une certaine protection au moins pour un temps défini (reports de coupes). Il en existe six sur les Pyrénées.

 

Des mesures contractuelles ont également permis l’arrêt de l’exploitation pour une durée définie dans certains massifs, par exemple dans le cadre du plan Ours. Mais dans ces 2 derniers cas, l’arrêt de l’exploitation peut être à tout moment remis en cause par le propriétaire.

 

Le statut de Parc National ne constitue par ailleurs pas une garantie de conservation dans la mesure où l’exploitation forestière y est légale.

 

Des projets de RBI (4), de RN à dominante forestière, de RBD sont en cours d’instruction dans les Pyrénées.
 
 

 

11. Quels sont alors les critères qui permettent aujourd’hui leur préservation ?
 

 

Ce sont les difficultés d’exploitation qui garantissent encore aujourd’hui le mieux la protection de ces vieilles forêts. Les très fortes pentes (souvent comprises entre 80 et 120%), la présence de barres rocheuses ou de ravins, les contraintes l’absence de route forestière ou l’impossibilité de faire passer un débardeur, l’instabilité des terrains, sont autant de barrières qui contribuent largement à les préserver. Si la plupart des sites ne sont plus exploités seulement depuis la première moitié du XXème siècle, 25 n’ont jamais été exploités, au moins partiellement.
 
 

 

12. Dans quelle mesure les enseignements que vous tirez de vos analyses pourraient-ils être utilisés dans la gestion des forêts exploitées ? Pourrait-il exister une liste d’espèces patrimoniales pour lesquelles les gestionnaires seraient incités à être attentifs, ou actifs ?
 

 

Il faut garder à l’esprit que dans une forêt exploitée,il ne sera pas possible, même avec des siècles de future non exploitation, de reconstituer la biodiversité originelle ; elle ne pourra l’être que partiellement.

 

Il s’agit de conserver ces écosystèmes dans leur intégrité de fonctionnement, ce qui n’a rien à voir avec la seule conservation d’espèces qualifiées de « patrimoniales », notion finalement très anthropomorphique.
 

 

 

 

13. Ces travaux mettent en évidence l’intérêt des vieilles forêts pyrénéennes. Les financements FEDER dont vous disposez permettront ils leur protection ?

 

 

Les financements actuels sont uniquement destinés à l’inventaire, à la cartographie et à la hiérarchisation des sites de vieille forêt des Pyrénées de Midi-Pyrénées et en aucun cas à mettre en place des mesures de protection.

 

Ces actions relèvent des politiques publiques en terme de gestion des milieux naturels (Trame Verte et Bleue, Stratégie de Création d’Aires Protégées, Schéma Régional de Cohérence Ecologique, …), de la politique des territoires sous statut réglementaire de protection (Parcs Nationaux, Réserves Naturelles), et de la volonté des propriétaires, publics et privés (création de Réserves Biologiques Intégrales ou Dirigées, d’îlots de sénescence (5), ….
 
 

 

14. A l’issue de vos études, une proposition de trame de vieilles forêts en région Midi-Pyrénées pourrait-elle être proposée ?
 

 

A l’issue de l’étude en cours, en juin 2015, nous disposerons d’une liste hiérarchisée et d’une cartographie des sites de vieilles forêts sur la partie centrale de la chaîne. Nous proposerons une trame comportant des hot spots connectés par des sites moins emblématiques et par des îlots plus dispersés au sein de la matrice cultivée.

 

Comme évoqué auparavant, la décision d’une prise en compte spécifique de ces sites devra être coordonnée entre propriétaires, gestionnaires et pouvoirs publics, en vue d’un maintien en non exploitation pour les sites les plus inaccessibles ou bénéficiant déjà de mesures contractuelles, de la création de RBI, d’îlots de sénescence, …
 
 

 

15. Quels seraient les freins et les blocages à sa réalisation ?
 

 

Si les peuplements les plus marginaux, très peu accessibles, sont peu menacés, un grand nombre de sites pourrait être exploité. Même si le débardage par hélicoptère semble aujourd’hui abandonné (hors projets d’aménagement : routes, stations de ski, …), l’installation de câbles (fixes ou temporaires) reste cependant d’actualité (6).

 

Le choix du propriétaire reste donc la principale voie permettant la sauvegarde des vieilles forêts. Les pouvoirs publics, en particulier au travers de l’orientation des subventions, ont aussi leur mot à dire. D’ailleurs, depuis longtemps déjà, le code des impôts exonère de l’impôt foncier le propriétaire qui choisit de créer une RBI.(7)
  

 

 

 

16. Le Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes était présent au colloque Naturalité 2013 à Chambéry, avec une affiche présentant l’état actuel des études menées. L’interview que nous réalisons aujourd’hui a également pour but de vous faire connaître. Souhaitez-vous communiquer plus et qui souhaiteriez-vous toucher ?
 

 

L’objectif principal de notre étude est la connaissance de la répartition et des caractéristiques des vieilles forêts des Pyrénées centrales.

 

En portant cette connaissance auprès des propriétaires et des gestionnaires, des Pouvoirs Publics, mais aussi des usagers des forêts (randonneurs, chasseurs, …) et d’un public le plus large possible, nous souhaitons que leur préservation à long terme soit prise en compte par des mesures adaptées.
 
 

 

Les questions suivantes, tout aussi intéressantes, utilisent un vocabulaire plus spécialisé et s’adressent donc à un public averti.
 
 

 

17. Dans un premier temps, le Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes a dressé une cartographie de sites d’étude potentiels. Quels supports avez-vous utilisés pour cibler les zones d’étude ? Existait-il un recensement préalable ?
 

 

Le seul document disponible au démarrage de l’étude était une liste brièvement renseignée des parcelles de forêts publiques non exploitées depuis au moins 50 ans. Déjà ancienne (1993), cette liste avait été établie par les services de terrain de l’ONF mais comportait des peuplements forestiers aux caractéristiques très variables, parfois très éloignées de celles attendues pour des vieilles forêts : anciens taillis furetés encore peu mâtures, accrus d’altitude en reconquête de pâturages, peuplements hors sylviculture, … Un regard critique sur ce document a permis d’extraire plusieurs sites potentiels.

 

Les autres forêts ont été inscrites à la liste initiale à dire d’experts par les membres du Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes selon leur connaissance du terrain. Une analyse des photographies aériennes récentes (2006), en recherchant la présence d’arbres morts, de pistes de débardage etc., a ensuite permis d’éliminer certains sites, de préciser des contours et d’ajouter de nouvelles forêts.

 

Le parcours des sites et l’observation de sites en vision directe (photographies depuis le versant opposé) lors de la phase d’inventaire de terrain permettent ensuite de valider ou d’invalider certains sites et d’affiner les enveloppes.
 
 

 

18. Vous êtes aujourd’hui entrés dans une deuxième phase de travaux. Concrètement, en quoi consiste votre travail sur le terrain ?
 

 

Au cours de la phase I, nous avons concentré nos travaux sur 10 sites en relevant de façon très fine les éléments structurels et en menant une étude approfondie sur 6 taxons, l’objectif étant de mettre en évidence les indicateurs indirects de biodiversité les plus pertinents pour expliquer les assemblages observés.

 

Au cours de la phase II, compte tenu de la surface à inventorier, des contraintes liées au terrain (accessibilité limitée dans l’année, temps d’accès important, difficultés de parcours liés à la pente ou à la présence de barres rocheuses, …) et de la durée limitée de l’étude (3 ans), il n’était pas envisageable de mener une étude sur quelque taxon que ce soit. Notre protocole d’inventaire est donc basé sur les indicateurs indirects de biodiversité mis en évidence au cours de la phase I : nous cherchons à évaluer le potentiel d’accueil des sites potentiels de vieille forêt pour les taxons liés aux vieux bois et aux arbres sénescents.

 

Chaque site cartographié est parcouru le plus complètement possible et plusieurs placettes circulaires d’inventaire de 1 ha sont établies à raison d’environ 2 pour 25 ha, 3 pour 50 ha, …

 

Après avoir caractérisé le milieu (altitude, exposition, pente, niveau de fertilité, présence de milieux rocheux ou aquatiques, de milieux ouverts, …), on décrit rapidement le couvert forestier (strates représentées, espèces d’arbres présentes, espèces attendues en fonction du milieu) et on précise la phase de la sylvigenèse que le peuplement a atteint.

 

La prospection d’une placette de 1 ha prend ensuite environ une heure au cours de laquelle sont dénombrés les TGB et les TTGB vivants, les GB morts, sur pied et au sol, ainsi que leurs stades de décomposition, la présence ou l’absence de 16 types de dendro micro habitats (cavités, fentes, coulées de sève, dendrotelmes, …), et la présence éventuelle de souches et leur état de décomposition. On évalue également les contraintes que les caractéristiques du site posent à une exploitation forestière. Compte tenu des difficultés d’accès et de parcours, la description de 3 placettes dans une journée de travail est un maximum.

 

On tente également de reconstituer l’histoire de ces peuplements à l’aide des archives, mais moins il y a eu d’interventions moins il y a d’archives.
  

 

 

 

19. Vous venez de finaliser la digitalisation de la carte des forêts anciennes à l’échelle de la chaîne pyrénéenne, ce qui représente un travail considérable et sans précédent ! Est-ce une première étape d’une carte des forêts âgées pyrénéennes ?
 

 

La carte géo référencée des forêts anciennes de la chaîne des Pyrénées et des zones limitrophes vient en effet d’être achevée à partir des minutes de la Carte de l’Etat-major qui datent des années 1850. C’est un outil précieux qui servira de base à des travaux futurs sur les relations entre ancienneté et biodiversité taxonomique.

 

Mais attention à ne pas confondre forêt ancienne et vieille forêt.

 

Certes, pour atteindre le stade final de la succession écologique et les phases terminales de la sylvigenèse, il faut une certaine ancienneté de l’état boisé. Mais à l’inverse, un état boisé ancien ne garantit pas l’accession au stade final de la succession et à des phases terminales de la sylvigenèse ! Un degré avancé de la succession et une accession aux phases terminales de la sylvigenèse ne sont possibles qu’en forêt ancienne, mais la réciproque est fausse. Cette carte ne peut donc constituer qu’une étape pour accéder à la cartographie des vieilles forêts.
 
 

 

20. Quelles sont les espèces qu’étudie le Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes ? Existait-il des travaux sur ce type d’espèces dans les Pyrénées ?
 

 

Les membres du Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes maîtrisent les taxons suivants : plantes supérieures, mousses, lichens, champignons, insectes (coléoptères et syrphes), oiseaux, chauves-souris.

 

De nombreux travaux avaient déjà été menés sur ces taxons, mais ils concernaient surtout des sites réputés et accessibles comme, par exemple pour les coléoptères, le massif du Néouvielle, les vallées de Rioumajou et du Marcadau, etc. Les études menées dans le cadre de la modernisation des ZNIEFF, de la description des sites Natura 2000, des inventaires en Parc National ou dans les Réserves Naturelles ont également permis un accroissement des connaissances sur les taxons liés aux vieux bois et aux arbres sénescents. Mais ces travaux étaient très rarement pluridisciplinaires et plutôt centrés sur une approche inventaire.

 

Par rapport à ces études, la première phase du projet vieilles forêts pyrénéennes a permis de caractériser de façon précise les corrélations entre données structurelles (arbres vivants, bois mort, dendro micro habitats) et données taxonomiques. Elle a mis en évidence que les standards des différents indicateurs permettant d’évaluer l’intérêt d’un site en tant que vieille forêt doivent être basés sur une approche pluri taxonomique et pas seulement sur la richesse spécifique de tous les taxons confondus.

 

La richesse spécifique brute est en effet un médiocre indicateur de la qualité de l’écosystème (la dégradation favorise les possibilités de pénétration d’espèces extra-forestières, de landes ou de pelouses, augmentant l’hétérogénéité, mais pas la qualité de l’habitat). C’est pourquoi une approche centrée sur les « traits de vie » des espèces présentes (fidélité à un milieu, un habitat, un état de conservation, …) se révèle beaucoup plus pertinente que l’approche par la richesse spécifique brute.
 
 

 

21. Dans une forêt classique, l’exploitation a pour caractéristique de spolier le cycle complet de la vie des arbres. Dans certains peuplements, des règles de gestion permettent de conserver une certaine biodiversité grâce à la présence de bois mort sur pied ou au sol et de très gros bois. Existe-t-il une réelle différence entre la biodiversité de ces forêts et de celles dans lesquelles vous travaillez ?
 

 

Le lecteur aura compris que la biodiversité forestière est fortement modifiée par l’exploitation ; mais attention à ne pas prendre en compte seulement l’indicateur « nombre d’espèces » pour évaluer la qualité d’un habitat. Comme dit plus haut, la richesse spécifique brute reste un médiocre indicateur de la qualité de l’écosystème : la dégradation favorise les possibilités de pénétration d’espèces extra-forestières, d’ourlets, de landes ou de pelouses, augmentant l’hétérogénéité, donc le nombre d’espèces, mais pas la qualité de l’habitat.

 

Les « traits de vie » des espèces présentes sont en général plus pertinents pour évaluer l’intégrité des fonctionnalités de l’écosystème. A titre d’illustration, on peut citer les données recueillies sur les coléoptères saproxyliques des forêts de montagnes : sur les 43 espèces considérées indicatrices de vieilles forêts (dont 6 exceptionnelles et 7 remarquables), les milliers d’hectares de forêts exploitées de la partie ouest du Pays de Sault (Bélesta, …) en comptent 9 (dont 1 remarquable) alors que les 100 ha de la sapinière de Bois Neuf (Saint-Mamet, Haute-Garonne) en possèdent 12, dont 1 exceptionnelle et 4 remarquables.

 

Bien sûr, conserver quelques bois morts et quelques arbres « bio » par hectare, c’est mieux que n’en laisser aucun. Quant aux « îlots de vieillissement », ils sont destinés à disparaître assez vite (avant leur écroulement) conformément aux instructions qui prévoient leur récolte, simplement différée.

 

Seuls les « îlots de sénescence », laissés en libre évolution permanente, présentent un intérêt comparable aux vieilles forêts. Mais comme leur nom l’indique, il s’agit de peuplements de surface réduite, composés d’arbres de faible valeur économique recrutés dans des peuplements peu accessibles, des séries boisées d’intérêt écologique, … qui peuvent difficilement constituer des cœurs de biodiversité. Plusieurs sites de vieilles forêts dans les Pyrénées centrales présentent de telles caractéristiques.
  

 

 

 

22. Les travaux du Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes mettent en évidence l’existence de cortèges importants d’espèces inféodées aux vieilles forêts. Pourriez-vous nous donner quelques exemples ? Quels sont les facteurs qui permettent cette extraordinaire diversité?
 

 

Le bois mort représente un élément d’habitat forestier essentiel, comme habitat ou comme ressource trophique pour les organismes saproxyliques, « qui dépendent, pendant une partie de leur cycle de vie, du bois mort ou mourant d’arbres moribonds ou morts, debout ou à terre, ou des champignons du bois, ou de la présence d’autres organismes saproxyliques ».

 

Les organismes saproxyliques dépendent ainsi d’un large gradient de micro habitats et de ressources trophiques fournis par les bois morts et les vieux arbres : chablis, chandelles et arbres morts sur pied, volis et fragments de bois brut au sol, branches mortes dans les houppiers vivants (charpentières), souches, micro habitats associés aux vieux arbres : nécroses, caries, cavités, carpophores de champignons corticoles, écoulements de sève. Le cortège saproxylique représente 20 à 25% des espèces de faune et flore forestières ; il est dominé par les Champignons et par les Coléoptères (environ 25% des espèces pour chacun).
 

 

Sur un total d’environ 20 000 espèces de champignons répertoriées en France, les forêts en hébergent environ les trois quarts. Parmi les espèces forestières, de très nombreuses sont liées à la matière organique morte (la nécromasse), qu’elles décomposent : humus, litière, bois mort.

 

La composition des communautés de ces champignons est dépendante des essences présentes, des conditions microclimatiques, des phases de la sylvigenèse, de la qualité, la quantité et la continuité de la ressource de nécromasse (en particulier de bois mort), de la continuité historique des massifs forestiers et de leur cohésion.

 

C’est parmi les espèces saproxyliques que l’on constate le plus grand nombre d’espèces menacées, à populations très fragmentées, dont de nombreuses sont liées aux phases terminales de la sylvigénèse et à des stocks de bois mort importants. En France, comme dans la majorité des pays d’Europe, ces phases dynamiques sont très peu représentées. La densité des très gros arbres porteurs de dendro micro habitats et les volumes de bois mort reposant en forêt sont généralement très faibles au regard de ce qu’on peut trouver dans les forêts les moins exploitées.
 

 

Une liste européenne des champignons saproxyliques indicateurs de vieilles sapinières et de vieilles hêtraies-sapinières à forts enjeux de conservation a été établie. Elle compte aujourd’hui 262 espèces. Sur les dix sites d’étude de la phase I, près de 500 espèces de champignons ont été recensées dont 303 taxons saproxyliques.

 

Parmi les espèces saproxyliques, 66 appartiennent à la liste des espèces caractéristiques de vieilles forêts avec Hericium flagellum, Sparassis nemecii, Ischnoderma benzoinum pour les espèces les plus connues. Plusieurs espèces dont 16 rares et 4 très rares possèdent de forts enjeux de conservation.
 

 

Les Syrphidés sont une des plus vastes familles de Diptères avec plus de 510 espèces en France dont 448 strictement ou facultativement forestières, parmi lesquelles 170 sont caractéristiques de vieilles forêts.

 

Si 81 d’entre elles sont liées à des micro-habitats très variés sur arbres vivants jeunes ou sénescents (coulées de sève, dendrotelmes, galeries de xylophages primaires, colonies de phytophages et hyménoptères sociaux, …) ou dans du bois mort, près de 90 autres sont associées à des micro habitats forestiers divers non directement supportés par des arbres ou du bois mort, mais par des habitats soit révélateurs d’une sylvigenèse naturelle (strates basses et moyennes spécifiques des phases d’ouverture du milieu – habitats dits obligatoires d’une forêt naturelle), soit témoins d’une richesse écologique accrue grâce à des éléments physiques à végétation spécifique (résurgence ponctuelle ou diffuse, bord de torrent, falaise, … – habitats dits facultatifs d’une forêt naturelle).

 

Ainsi, la présence ou l’absence de ces espèces, toutes forestières, de Syrphidés renseigne sur le degré d’intégrité écologique d’une forêt considérée comme une entité écologique globale, pouvant être affectée par une gestion sylvicole non seulement dans son « compartiment bois mort » mais dans tous ceux qui définissent, obligatoirement ou facultativement, la richesse d’une forêt naturelle.
 

 

L’analyse de la présence des espèces de syrphes permet également de déterminer les conséquences actuelles de perturbations anciennes, telles le charbonnage ou le surpâturage en forêt. L’analyse des traits fonctionnels de ces espèces permet d’appréhender le degré d’intégrité écologique des sites étudiés par rapport à un optimum. Sur les 173 espèces recensées dans les sites étudiés lors de la phase 1, 54 sont strictement forestières et 28 fortement liées aux vieilles forêts.
 

 

Pour les Coléoptères, 20% des espèces appartiendraient en France au cortège saproxylique (plus de 2500 espèces, soit plus de la moitié des Coléoptères forestiers).

 

Même si plusieurs familles sont plus emblématiques (Lucanidae, Cerambycidae, Buprestidae, Curculionidae Scolytinae), c’est près de 68 familles qui contiennent au moins une espèce saproxylique. Les coléoptères saproxyliques sont aujourd’hui souvent utilisés en bio évaluation de la qualité biologique des milieux, qu’il s’agisse d’espèces à statut légal (liste rouge européenne UICN, annexes de la Directive Habitats) ou à usage local (espèces déterminantes régionales ZNIEFF).

 

Sur les 10 sites d’étude de la phase I, 320 espèces de Coléoptères saproxyliques ont été identifiées dont 83 espèces caractéristiques des forêts de montagne et 33 rares ou très rares.
 

 

En ce qui concerne les plantes, il n’existe pas d’espèces strictement inféodées aux vieilles forêts. On peut citer tout de même le Polystic de Braun, beaucoup plus fréquent en vieille forêt que dans les forêts exploitées. Parmi les mousses, plusieurs espèces françaises sont strictement saproxyliques et donc beaucoup plus fréquentes en vieille forêt. Huit ont été observées dans les sites étudiés lors de la phase 1 de l’étude dont  la plus connue, Buxbaumia viridis.
 

 

Pour les lichens, une centaine d’espèces sont considérées comme indicatrices de vieilles forêts et parmi les 150 espèces de lichens relevées lors de la phase I, 63 espèces sont liées aux vieilles forêts.
 
 

 

23. Existe-t-il des taxons inféodés aux forêts anciennes ou matures, spécifiques à la chaîne pyrénéenne ?
 

 

Si de nombreux taxons sont très fortement liés aux vieilles forêts, nous n’avons en revanche relevé aucune espèce spécifiquement pyrénéenne et seul le coléoptère Benibotarus alternatus est une endémique pyrénéo-ibérique. Néanmoins, plusieurs espèces très rares ou nouvelles pour la France ont été observées lors de la phase 1 de l’étude.

 

Parmi les Lichens, on peut citer deux espèces très rares : Usnea longissima (éteint ou en danger d’extinction dans plusieurs pays alpins) et Arthonia graphidicola.

 

Pour les champignons, Entoloma jahnii (nouveau pour la France), Entoloma pluteisimilis (nouveau pour la France), Gymnopilus josserandii (première observation pour les Pyrénées), Lentinellus castoreus var. tomentellus (très rare en France), Ramaria cf. canobrunnea (première récolte française présumée).

 

Pour les Syrphes, Chalcosyrphus valgus, espèce considérée par l’UICN comme utile à l’identification des forêts d’importance internationale dans le domaine de la conservation de la nature, et Sphiximorpha subsessilis (très menacé à l’échelle européenne).

 

Et pour les Coléoptères, Calytis scabra (connu de seulement deux stations en France), Danosoma fasciatum (connu de quelques rares vieilles pineraies des Pyrénées), Acmaeops marginatus (captures récentes dans deux autres sites seulement), Tragosoma depsarium (3 sites représentent les principales populations nationales), Bius thoracicus (troisième donnée en France depuis 150 ans)

 

1.   Pour un aperçu de la formidable biodiversité qu’hébergent les vieilles forêts pyrénéennes, se reporter à la question 22

 

 
 

 

2.   Saproxylique : les organismes saproxyliques « dépendent, au moins pendant une partie de leur cycle de vie, du bois mort ou mourant d’arbres moribonds ou morts, debout ou à terre, ou des champignons du bois, ou de la présence d’autres organismes saproxyliques »

 

 

 

3. La naturalité est un gradient d’évolution vers le fonctionnement biologique naturel, qui n’est donc pas un état figé. On parle de gradient de naturalité.

 

4 : Une très vaste RBI forestière devrait voir le jour en 2014 à Saint-Pé-de-Bigorre, avec près de 2000 ha de forêt ancienne mais très peu de vieille forêt. Le massif qui paraît aujourd’hui inexploitable a en effet été surexploité jusqu’au début du XXème siècle.A noter que l’accès aux RBI est réglementé et permet en règle générale la promenade sur les sentiers. D’autre part, elles concernent uniquement les forêts soumises au régime forestier.
 

 

5. Ilots de sénescence : peuplements de surface réduite laissés en libre évolution permanente, le plus souvent dans des massifs exploités. Ils présentent un intérêt comparable aux vieilles forêts mais en raison de leur faible superficie, ils peuvent difficilement constituer des cœurs de biodiversité.
 

 

6. Voir l’actualité http://vieillesforets.com/novembre-2013-coupes-a-cable-dans-le-haut-bearn/

 

 

 

Crédits photo : Philippe Falbet

 

 

 

 2°. M.Bartoli, a accompagné la visite d'une forêt . En voici le compte rendu pris sur internet;

COMPTE-RENDU DE SORTIE 29/10/2016 – RENCONTRE AVEC MICHEL BARTOLI DANS UNE FORET VIERGE  DU MARCADAU (CAUTERETS)

 

 

Adhérents présents : Christian Barat, Erica Millet, Gilles Pottier, Jean-Baptiste Boufette, Marine Le Breton, Martin Audard, Monique Pagnon, Nathalie Loubeyres, Sandrine Kazan, Stéphane Galvèz Lacaze.

 

Objectif de la journée : réunion en plein air sur la présentation du projet de création et animation de l’Observatoire des Forêts des Hautes-Pyrénées et immersion en vieilles forêts.

 

 

 

. 1/ AU PROGRAMME

 

1 – Présentation de Michel Bartoli M. Bartoli est ingénieur-chef des Eaux et Forêts retraité, conférencier, historien forestier de renom, membre  du GEVFP. 

 

 

 

2 – Présentation de l’organisation de la journée a) Archéologie forestière (Michel Bartoli) –
Pourquoi reste-t-il encore des vestiges de forêts vierges ? Vallée du Lutour
b) Visite d’une forêt vierge (Michel Bartoli), vallée du Marcadau
c) Présentation de l’étude du Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes (GEVPP) et des observatoires des forêts (Sophie et Michel Bartoli)
d) Pique-nique e) Randonnée dans le fond de la vallée du Marcadau avec diverses stations sur l’histoire des paysages forestiers et sur le Pin de Bouget (Michel Bartoli).

 

 

 

2/ ARCHEOLOGIE FORESTIERE EN VALLEE DU LUTOUR

 

Michel Bartoli nous présente une scierie du XVII ème siècle, ou du moins ses vestiges. Effectivement, seul un œil averti peut deviner cet outil qui montre bien comment étaient exploitées les forêts autrefois. Nous observons d’abord en bord de gave un canal de dérivation encore en eau et encore identifiable), puis nous suivons ses traces dans les pelouses où il devient alors difficilement détectable  Il s’agit donc d’une scierie hydraulique. Elle fonctionnait avec une roue à aube. Ces scieries étaient de toutes petites installations et relativement rares car elles nécessitaient des endroits très précis permettant leurs installations au pied des forêts Le transport des grumes était à l’époque très difficile et se faisait par des radeaux. La Garonne était alors une autoroute du bois. Mais  dans ces vallées de montagne des Pyrénées comme des Alpes (on y retrouve aussi ces mêmes types de vestiges), les torrents tumultueux ne permettaient pas le transport.  Aussi, les grumes en forêt étaient coupées en tronçons de 4 à 5 m de long (les rouls) qui étaient ensuite lancés dans la pente par des couloirs de lançage. Puis ils étaient traînés par des vaches jusqu’à la scierie. Des rouls, on en faisait des planches qui partaient à dos de mulet. Une quinzaine d'emplacements, successivement utilisés transformaient les bois de la forêt de St Savin. Ces scieries étaient provisoires, elles ne duraient que le temps d’une coupe, en moyenne 1 an, avec une rotation environ tous les 20 ans. Ainsi, l’utilisation de l’emplacement de la scierie allait avec l’achat de la coupe. On retrouve d’autres vestiges de ces scieries dans les Hautes-Pyrénées comme à Payolles par exemple.  Il faut noter que même s’il s’agissait de petites exploitations, au moment de la coupe tout y passait. Cela n’allait pas sans procès-verbaux pour l’exploitation d’arbres non désignés (le marquage des arbres existent depuis le Moyen-Age). Par ailleurs, la commission syndicale de St Savin enregistrait près de 200 ha/an de forêt incendiée dû aux écobuages à destination des prairies pastorales. Pour la petite histoire, juste avant d’arriver au Pont d’Espagne se trouve l’île de Sarah-Bernhard au milieu du gave. Sarah-Bernhard (1844-1923) était une célèbre actrice de théâtre connue pour ses  excentricités. Elle était une habituée de Cauterets. En parallèle, sur cette île était installée la "serrat det Bernad", la scierie de Bernad (vestiges encore visibles). C'est l'étonnante coïncidence entre la présence de la scierie et les séjours de cette star à Cauterets qui a fait donner le nom à l'île. Aussi la scierie Bernad devint la scierie Sarah Bernhard. 

 

 

 

3/ VISITE D’UNE FORET VIERGE 

 

 Garés en bord de route, on franchit le ruisseau grâce à un petit pont et nous voilà en à peine 5 minutes dans une forêt vierge en forêt syndicale de St-Savin (Fig.4)!

 

 

 

Aussi loin qu’il eut été possible de remonter dans les archives, cette forêt n’a jamais été exploitée, jamais pâturée (sauf par des isards), jamais incendiée. La présence de Pin sylvestre (Pinus sylvestris), en amont du site, en est un indicateur car beaucoup de versants soulanes ont été incendiés à plusieurs reprises par le passé et on ne retrouve pas, ou peu, l’espèce en ces endroits (Fig.5). Il est rappelé l’origine du nom « Pyrénées » venant de « Pyros », le feu.  Cette forêt doit sa protection à la géomorphologie du site interdisant l’implantation d’une scierie. La pente y est très forte, les falaises et éboulis granitiques peu valorisables pour le pastoralisme (FiG.9). Nous l’aborderons plus tard, mais l’exploitation par câble ne fut pas possible non plus en cet endroit.

 

 

 

Cette forêt s’est donc protégée d’elle-même. 

 

 

 

Aussi, une forêt vierge n’est pas forcément faite que de vieux arbres, ni de gros sujets. Elle est rajeunie en permanence. La dynamique ici est régie en grande partie par l’érosion. Les blocs de roches tombant de la falaise (tremblements de terre, gélifrats) créés des trouées, des chablis où des puits de lumière feront naître d’abord des espèces pionnières avant que se réinstalle le sapin (Abies alba) (Fig.8). On y retrouve toutes les strates (muscinale, herbacée, arbustive et arborescente). Les tapis de myrtille sont présents, les graminées arrivées à fructification. La régénération est au rendez-vous et n’est pas abroutie (Fig. 6 et 7). Souvent ces strates manquent dans les forêts où la pression des herbivores sauvages (cervidés) et/ou domestiques est, ou a été, trop forte.

 

4/ PRESENTATION DE L’ETUDE DU GEVFP ET DES OBSERVATOIRES DES FORETS

 

C’est au sein de cette belle forêt que la présentation du projet de création et animation de l’Observatoire des Forêts des Hautes-Pyrénées est faite. On a vu pire comme salle de réunion, bon soit, il n’y avait pas le chauffage…

 

 

 

Premièrement, le contexte. Il s’agit d’une très rapide synthèse, pour plus d’information sur l’étude du GEVFP de 2008 à 2015:

COMPTE-RENDU DE SORTIE 29/10/2016 – RENCONTRE AVEC MICHEL BARTOLI DANS UNE FORET VIERGE  DU MARCADAU (CAUTERETS)

 

 

 

Adhérents présents : Christian Barat, Erica Millet, Gilles Pottier, Jean-Baptiste Boufette, Marine Le Breton, Martin Audard, Monique Pagnon, Nathalie Loubeyres, Sandrine Kazan, Stéphane Galvèz Lacaze.

 

Objectif de la journée : réunion en plein air sur la présentation du projet de création et animation de l’Observatoire des Forêts des Hautes-Pyrénées et immersion en vieilles forêts.

 

 

 

. 1/ AU PROGRAMME

 

1 – Présentation de Michel Bartoli M. Bartoli est ingénieur-chef des Eaux et Forêts retraité, conférencier, historien forestier de renom, membre  du GEVFP. 

 

 

 

2 – Présentation de l’organisation de la journée a) Archéologie forestière (Michel Bartoli) – Pourquoi reste-t-il encore des vestiges de forêts vierges ? Vallée du Lutour b) Visite d’une forêt vierge (Michel Bartoli), vallée du Marcadau c) Présentation de l’étude du Groupe d’Etudes des Vieilles Forêts Pyrénéennes (GEVPP) et des observatoires des forêts (Sophie et Michel Bartoli) d) Pique-nique e) Randonnée dans le fond de la vallée du Marcadau avec diverses stations sur l’histoire des paysages forestiers et sur le Pin de Bouget (Michel Bartoli).

 

 

 

2/ ARCHEOLOGIE FORESTIERE EN VALLEE DU LUTOUR

 

Michel Bartoli nous présente une scierie du XVII ème siècle, ou du moins ses vestiges. Effectivement, seul un œil averti peut deviner cet outil qui montre bien comment étaient exploitées les forêts autrefois. Nous observons d’abord en bord de gave un canal de dérivation encore en eau et encore identifiable), puis nous suivons ses traces dans les pelouses où il devient alors difficilement détectable  Il s’agit donc d’une scierie hydraulique. Elle fonctionnait avec une roue à aube. Ces scieries étaient de toutes petites installations et relativement rares car elles nécessitaient des endroits très précis permettant leurs installations au pied des forêts Le transport des grumes était à l’époque très difficile et se faisait par des radeaux. La Garonne était alors une autoroute du bois. Mais  dans ces vallées de montagne des Pyrénées comme des Alpes (on y retrouve aussi ces mêmes types de vestiges), les torrents tumultueux ne permettaient pas le transport.  Aussi, les grumes en forêt étaient coupées en tronçons de 4 à 5 m de long (les rouls) qui étaient ensuite lancés dans la pente par des couloirs de lançage. Puis ils étaient traînés par des vaches jusqu’à la scierie. Des rouls, on en faisait des planches qui partaient à dos de mulet. Une quinzaine d'emplacements, successivement utilisés transformaient les bois de la forêt de St Savin. Ces scieries étaient provisoires, elles ne duraient que le temps d’une coupe, en moyenne 1 an, avec une rotation environ tous les 20 ans. Ainsi, l’utilisation de l’emplacement de la scierie allait avec l’achat de la coupe. On retrouve d’autres vestiges de ces scieries dans les Hautes-Pyrénées comme à Payolles par exemple.  Il faut noter que même s’il s’agissait de petites exploitations, au moment de la coupe tout y passait. Cela n’allait pas sans procès-verbaux pour l’exploitation d’arbres non désignés (le marquage des arbres existent depuis le Moyen-Age). Par ailleurs, la commission syndicale de St Savin enregistrait près de 200 ha/an de forêt incendiée dû aux écobuages à destination des prairies pastorales. Pour la petite histoire, juste avant d’arriver au Pont d’Espagne se trouve l’île de Sarah-Bernhard au milieu du gave. Sarah-Bernhard (1844-1923) était une célèbre actrice de théâtre connue pour ses  excentricités. Elle était une habituée de Cauterets. En parallèle, sur cette île était installée la "serrat det Bernad", la scierie de Bernad (vestiges encore visibles). C'est l'étonnante coïncidence entre la présence de la scierie et les séjours de cette star à Cauterets qui a fait donner le nom à l'île. Aussi la scierie Bernad devint la scierie Sarah Bernhard. 

 

 

 

3/ VISITE D’UNE FORET VIERGE 

 

 Garés en bord de route, on franchit le ruisseau grâce à un petit pont et nous voilà en à peine 5 minutes dans une forêt vierge en forêt syndicale de St-Savin (Fig.4)!

 

 

 

Aussi loin qu’il eut été possible de remonter dans les archives, cette forêt n’a jamais été exploitée, jamais pâturée (sauf par des isards), jamais incendiée. La présence de Pin sylvestre (Pinus sylvestris), en amont du site, en est un indicateur car beaucoup de versants soulanes ont été incendiés à plusieurs reprises par le passé et on ne retrouve pas, ou peu, l’espèce en ces endroits (Fig.5). Il est rappelé l’origine du nom « Pyrénées » venant de « Pyros », le feu.  Cette forêt doit sa protection à la géomorphologie du site interdisant l’implantation d’une scierie. La pente y est très forte, les falaises et éboulis granitiques peu valorisables pour le pastoralisme (FiG.9). Nous l’aborderons plus tard, mais l’exploitation par câble ne fut pas possible non plus en cet endroit.

 

 

 

Cette forêt s’est donc protégée d’elle-même. 

 

 

 

Aussi, une forêt vierge n’est pas forcément faite que de vieux arbres, ni de gros sujets. Elle est rajeunie en permanence. La dynamique ici est régie en grande partie par l’érosion. Les blocs de roches tombant de la falaise (tremblements de terre, gélifrats) créés des trouées, des chablis où des puits de lumière feront naître d’abord des espèces pionnières avant que se réinstalle le sapin (Abies alba) (Fig.8). On y retrouve toutes les strates (muscinale, herbacée, arbustive et arborescente). Les tapis de myrtille sont présents, les graminées arrivées à fructification. La régénération est au rendez-vous et n’est pas abroutie (Fig. 6 et 7). Souvent ces strates manquent dans les forêts où la pression des herbivores sauvages (cervidés) et/ou domestiques est, ou a été, trop forte.

 

4/ PRESENTATION DE L’ETUDE DU GEVFP ET DES OBSERVATOIRES DES FORETS

 

C’est au sein de cette belle forêt que la présentation du projet de création et animation de l’Observatoire des Forêts des Hautes-Pyrénées est faite. On a vu pire comme salle de réunion, bon soit, il n’y avait pas le chauffage…

 

 

 

Premièrement, le contexte. Il s’agit d’une très rapide synthèse, pour plus d’information sur l’étude du GEVFP de 2008 à 2015: http://www.vieillesforets.com/le-gevfp-groupe-detudes-des-vieilles-forets-pyreneennes/

 

 

 

a) Présentation du GEVFP.

 

 

 

a) Présentation du GEVFP.

 

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